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Nvidia à Computex : l'IA partout, pour tous (et avec des robots en prime) ?

Nvidia a sorti l'artillerie lourde à Taïwan, esquissant un futur où l'intelligence artificielle se fabrique en usine, s'invite sur nos bureaux et anime même des robots humanoïdes. Accrochez vos neurones !

Si vous avez cligné des yeux en suivant l'actualité de Computex à Taïwan, vous n'êtes pas seul. Nvidia, le maestro des puces graphiques (les fameux GPU, ces cerveaux de silicium qui carburent aux calculs complexes, initialement pensés pour nos jeux vidéo mais devenus les stars de l'IA), a orchestré une symphonie d'annonces à faire tourner la tête. On parle de « supercalculateurs personnels » capables de rivaliser avec des datacenters d'hier, de gigantesques « usines à fabriquer de l'IA », et même d'une nouvelle génération de robots humanoïdes qui promettent d'apprendre et d'interagir avec notre monde. Alors, simple coup de com' high-tech ou véritable basculement vers un futur où l'Intelligence Artificielle (IA) est omniprésente ? On a chaussé nos lunettes de décodeurs pour y voir plus clair.

Nvidia à Computex
19 Mai 2025 à 12h45 Par Jérôme

Votre bureau : prochain QG de l'Intelligence Artificielle ?

L'idée de développer des IA complexes était souvent synonyme d'accès à de coûteux serveurs ou au cloud. Nvidia semble vouloir changer la donne avec ses Nvidia DGX Spark et DGX Station. Le DGX Spark, c'est un peu le David contre les Goliath du calcul : un "supercalculateur IA de bureau" compact, mais doté d'une puissance redoutable grâce à la GB10 Grace Blackwell Superchip. Ce "Superchip", c'est l'union sacrée d'un processeur central (CPU) et d'un processeur graphique (GPU) de dernière génération, partageant une mémoire unifiée ultra-rapide pour éviter les goulots d'étranglement. Nvidia annonce qu'il peut délivrer jusqu'à 1 pétaflop de puissance de calcul IA (un million de milliards d'opérations à la seconde, de quoi faire rêver plus d'un data scientist) et gérer des modèles d'IA comptant jusqu'à 200 milliards de "paramètres" – ces variables que l'IA ajuste pour apprendre.

Pour ceux qui en veulent encore plus, la DGX Station monte le curseur d'un cran avec la puce GB300 Grace Blackwell Ultra Desktop Superchip, promettant jusqu'à 20 pétaflops et une mémoire gargantuesque de 784 Go. Elle peut même se transformer en mini-serveur pour une petite équipe grâce à la technologie Multi-Instance GPU, qui permet de la "découper" en sept instances virtuelles distinctes.

L'objectif affiché par Nvidia ? Mettre ces outils entre les mains d'un maximum de créateurs d'IA – développeurs, chercheurs, et même étudiants – pour qu'ils puissent prototyper, affiner leurs modèles et réaliser des inférences (c'est-à-dire utiliser un modèle entraîné pour faire des prédictions ou prendre des décisions) directement depuis leur poste de travail. Le tout avec la promesse de pouvoir ensuite exporter ces créations de manière fluide vers des plateformes plus vastes comme DGX Cloud ou d'autres infrastructures de datacenters. C'est ce que Nvidia appelle le continuum de calcul IA : un écosystème où l'on peut démarrer un projet sur une machine personnelle et le faire grandir sans friction. Des constructeurs de renom comme Acer, ASUS, Dell, GIGABYTE, HP, Lenovo et MSI sont déjà partenaires pour commercialiser ces "PC sous stéroïdes".

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L'usine du futur ne fabriquera plus des vis, mais de l'IA

Après le bureau, passons à l'échelle industrielle. Nvidia popularise le concept d'« Usine IA » (AI Factory). Imaginez des centres de données nouvelle génération, entièrement optimisés non pas pour stocker des photos de vacances, mais pour produire de l'intelligence artificielle à la chaîne. Le partenariat avec Foxconn à Taïwan en est l'illustration la plus concrète : la construction d'un supercalculateur qui abritera la bagatelle de 10 000 GPU Nvidia Blackwell. Cette usine d'un nouveau genre, connectée via des technologies réseau ultra-rapides comme Nvidia NVLink (pour la communication entre GPU) et Quantum InfiniBand ou Spectrum-X Ethernet, ne servira pas qu'à Foxconn. Elle vise à irriguer tout l'écosystème technologique taïwanais, des startups aux géants comme TSMC (le fabricant de la plupart des puces avancées dans le monde), soutenant ainsi l'ambition de l'île de devenir une « Smart AI Island », une véritable nation intelligente façonnée par l'IA, comme l'a souligné le ministre taïwanais des Sciences et Technologies.

Pour planifier ces cathédrales de silicium, Nvidia met en avant sa plateforme Omniverse. C'est un environnement de simulation et de collaboration 3D basé sur le standard ouvert OpenUSD (inventé par Pixar, rien que ça !). Omniverse permet de créer des jumeaux numériques – des répliques virtuelles parfaites – de ces usines IA. On peut y simuler l'agencement des serveurs, l'efficacité des systèmes de refroidissement (un enjeu crucial vu l'énergie consommée), la distribution électrique, et même la circulation de l'air, le tout avant de dépenser le moindre dollar en matériel. Des entreprises comme Delta Electronics, Jacobs, Siemens, Cadence et Schneider Electric (avec sa filiale ETAP) collaborent déjà avec Nvidia sur ce "blueprint" pour usines IA.

Et pour faire tourner la boutique, Nvidia a dévoilé « Dynamo », un système d'exploitation taillé sur mesure pour ces usines IA. Il est conçu pour tirer la quintessence des nouvelles architectures Blackwell et orchestrer l'inférence à grande échelle, promettant des gains de performance significatifs.

Robots humanoïdes : science-fiction ou réalité de demain ?

L'IA ne se limite plus aux algorithmes invisibles ; elle aspire à une incarnation physique. Le Projet GR00T de Nvidia est au cœur de cette ambition. L'idée est de développer des modèles de fondation – un peu comme les Grands Modèles de Langage (LLM) type ChatGPT, mais pour le mouvement et l'interaction physique – afin de doter des robots humanoïdes de capacités de raisonnement et d'apprentissage généralistes. Le premier du nom, Isaac GR00T N1, dispose d'une architecture à double système inspirée de la cognition humaine : un "Système 1" pour les réactions rapides, intuitives, et un "Système 2" pour la réflexion et la planification plus poussées, notamment grâce à des modèles de langage et de vision.

Ces "cerveaux" robotiques s'appuieront sur la plateforme Nvidia Isaac, qui comprend des outils de simulation (Isaac Sim, tournant sur Omniverse pour créer des environnements virtuels et générer des données d'entraînement synthétiques), d'apprentissage (Isaac Lab) et un nouveau moteur physique open-source baptisé Newton (développé avec des pointures comme Google DeepMind et Disney Research). Le tout sera propulsé au niveau du robot par des puces dédiées comme la Jetson AGX Thor, basée sur l'architecture Blackwell. Des entreprises pionnières de la robotique comme 1X Technologies, Agility Robotics ou Boston Dynamics ont déjà un accès anticipé à ces technologies.

Le cloud joue aussi un rôle crucial avec Nvidia OSMO, un service d'orchestration qui coordonne les flux de travail entre l'entraînement des modèles sur des systèmes Nvidia DGX dans le cloud, la simulation sur des serveurs Nvidia OVX, et la validation sur le matériel réel.

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L'IA au service de la science : des supercalculateurs pour voir plus loin

La soif de calcul pour la recherche fondamentale et appliquée est inextinguible. Nvidia continue donc d'équiper les institutions scientifiques de supercalculateurs.

À Taïwan, le National Center for High-Performance Computing (NCHC) va bénéficier d'une mise à niveau majeure avec les dernières puces Nvidia (HGX H200, systèmes GB200 NVL72 et HGX B300 Blackwell Ultra). Ce centre déploiera aussi des DGX Spark, les supercalculateurs personnels, pour ses chercheurs. Les applications sont multiples : développer une IA souveraine avec des modèles linguistiques adaptés à la culture locale (le projet TAIDE a par exemple permis de créer un chatbot d'assistance médicale), affiner les prévisions climatiques avec la plateforme Nvidia Earth-2 et ses modèles IA spécifiques, ou encore accélérer la recherche en calcul quantique. Sur ce dernier point, le NCHC utilise déjà la plateforme logicielle CUDA-Q de Nvidia et la librairie cuQuantum pour des travaux en chimie quantique ou en cryptographie, ayant même réalisé une simulation record de 784 qubits (l'unité d'information quantique). L'intégration de systèmes Nvidia DGX Quantum est également prévue.

Au Japon, le supercalculateur ABCI-Q de l'institut AIST, décrit comme le plus grand au monde dédié à la recherche quantique, est également propulsé par Nvidia (GPU H100 et CUDA-Q). Sa particularité est d'être conçu pour s'interfacer avec de véritables processeurs quantiques (QPU) de différentes technologies (supraconducteurs de Fujitsu, à atomes neutres de QuEra, photoniques d'OptQC). L'objectif est de créer une plateforme hybride quantique-classique pour s'attaquer à des problèmes complexes en IA, énergie, ou biologie, un pilier de la stratégie d'innovation quantique du Japon.

Nvidia a aussi son propre centre de recherche, le NVIDIA Accelerated Quantum Research Center (NVAQC) à Boston, qui travaille avec des partenaires comme Quantinuum, QuEra, Quantum Machines, Harvard et le MIT sur les défis du calcul quantique, notamment la cruciale correction d'erreurs quantiques et le développement d'algorithmes hybrides, en s'appuyant sur l'architecture DGX Quantum.

Le saviez-vous ? L'éthique au cœur du robot

Si le Projet GR00T de Nvidia promet des robots humanoïdes capables d'assister les humains dans de nombreuses tâches (santé, logistique, industrie), il soulève d'importantes questions éthiques. Au-delà de la crainte du remplacement d'emplois, se posent les questions de la vie privée (quelles données ces robots collecteront-ils ?), de la sécurité (comment s'assurer qu'ils ne causent pas de tort ?), et des biais potentiels dans leurs algorithmes. Des firmes d'analyse comme Ark Invest prévoient un impact économique de 24 000 milliards de dollars d'ici 2035 grâce à l'adoption de ces robots, mais insistent sur la nécessité d'établir des lignes directrices claires pour un développement responsable. La discussion ne fait que commencer.

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Nvidia, chef d'orchestre d'un futur interconnecté par l'IA

Difficile de ne pas être impressionné par l'ampleur de la vision déployée par Nvidia à Computex. Le géant ne se contente plus de vendre des cartes graphiques ; il construit brique par brique un écosystème complet, du silicium au logiciel, du supercalculateur personnel à l'usine d'IA planétaire, en passant par les robots et les mondes virtuels. Chaque annonce, qu'il s'agisse des DGX Spark et Station, de la plateforme robotique Isaac et GR00T, des usines IA avec Foxconn, du logiciel Omniverse ou Dynamo, ou des supercalculateurs pour la recherche quantique, s'emboîte dans une stratégie d'ensemble cohérente.

Nvidia fournit les outils, mais la manière dont nous, en tant que société, allons les utiliser, les réguler et nous y adapter, reste la grande question. Les promesses sont immenses : accélération de la découverte scientifique, assistance dans notre quotidien, création de nouvelles formes de productivité. Mais les défis, notamment éthiques et sociaux, le sont tout autant.

Une chose est sûre : que vous soyez développeur, chercheur, ou simple curieux du numérique, le futur s'annonce intensément "augmenté" par l'IA. Et on sera là pour vous aider à y voir clair, une puce à la fois !

Auteur : Jérôme Chaudier

Expert en développement web, référencement et en intelligence artificielle, mon expérience pratique dans la création de systèmes automatisés remonte à 2009. Aujourd'hui, en plus de rédiger des articles pour décrypter l'actualité et les enjeux de l'IA, je conçois des solutions sur mesure et j'interviens comme consultant et formateur pour une IA éthique, performante et responsable.

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